Jesper Juul et le Familylab proposent une nouvelle approche de la parentalité basée sur le dialogue empathique, la reconnaissance et des valeurs fondamentales comme l’authenticité, l’équidignité, l’intégrité et la responsabilité personnelle. Voici des personnalités du monde scientifique dont le travail et les recherches forment une base à la fois théorique et pratique qui soutiennent ces idées.

Neurobiologie et éducation


Le regard du neurobiologiste Gerald Hüther sur les relations adultes-enfants

Les recherches menées par le Professeur allemand Gerald Hüther et ses collègues confirment que la qualité de la relation parent-enfant est déterminante pour le développement de l’enfant.

Durant la grossesse, l’enfant fait deux expériences majeures : celle de grandir et celle du lien. C’est sur ces expériences prénatales, qui se sont ancrées dans son cerveau sous forme de réseaux neuronaux (i.e. système d’apprentissage et de motivation intrinsèque et système d’attachement), qu’il va ensuite s’appuyer pour découvrir le monde. Un monde dans lequel il arrive avec à la fois l’espoir de grandir et celui de trouver quelqu’un qui lui offrira proximité et sécurité. Il lui faut donc clairement des liens pour s’épanouir ! L’enfant n’a donc pas besoin d’être éduqué mais besoin d’un environnement familial favorisant l’épanouissement de ses dispositions spontanées.

Après avoir découvert l’ouvrage La vie en famille (à paraitre en français prochainement) de Jesper Juul, Gerald Hüther s’est exprimé ainsi :

Si les parents réussissaient à mettre en pratique ne serait-ce que la moitié de ce que suggère Jesper Juul dans son livre, non seulement les parents et les enfants seraient plus heureux, mais cela signifieraient aussi que le nombre de connexions neuronales dans le cerveau des enfants doubleraient au minimum. Je vous le garantie !

De manière plus générale, les travaux de Gerald Hüther ont aussi montré l’importance de l’enthousiasme pour les apprentissages et confirmé ainsi une vérité bien connue, à savoir qu’on apprend mieux quand on le fait avec plaisir.

Le cerveau se développe précisément là où il est utilisé avec enthousiasme.

Voici une courte vidéo qui présente son regard de neurobiologiste sur l’éducation (Sous-titrage en français par l’Institut Arno Stern).

Gerald Hüther est Directeur du Département de recherche fondamentale en neurobiologie du CHU psychiatrique de l’université de Göttingen et du Centre de recherche préventive de neurobiologie de l’université de Göttingen et Mannheim/Heidelebrg.

Il a écrit de nombreux ouvrages dont Biologie de la peur – Quand le stress devient moteur de changement, Les hommes, le sexe fort ? – un cerveau bien particulier et L’influence des images intérieures – Comment nos représentations déterminent nos choix de vie et nos relations, tous parus très récemment en français.

Découvrez également des articles et d’autres documents audios et vidéos sur son site Internet en anglais.

Inspire to rewire


Le regard du spécialiste américain Daniel J. Siegel sur les relations interpersonnelles

Daniel J. Siegel est un psychiatre américain. Membre du National Institute of Mental Health Research à l’université de Californie (UCLA), il a mené de nombreuses études sur l’influence de l’attachement sur les émotions, le comportement et la mémoire. Il s’est intéressé à la pleine conscience (Mindfulness) ainsi qu’au développement et fonctionnement du cerveau, dont il a explicité une définition nouvelle et à partir duquel il a développé le concept de Mindsight.

Il définit Mindsight (qu’on pourrait traduire par « vue de l’esprit ») comme étant la capacité humaine à percevoir le fonctionnement de sa propre pensée, et donc de celles des autres, capacité que chacun peut développer et qui se trouve être à la base de l’intelligence émotionnelle et sociale.

Il s’est aussi intéressé à la neurobiologie et aux processus interpersonnels. Au cœur de son approche, se trouve la notion d’intégration – c’est-à-dire la liaison des différents aspects d’un système, au sein d’une seule personne ou d’un groupe d’individus. Daniel J. Siegel considère l’intégration comme le mécanisme essentiel au bien-être car il favorise la flexibilité et la capacité d’adaptation de l’être rempli de vitalité et de créativité que nous sommes. Ses travaux remettent en question nombres d’idées reçues et laissent entrevoir de nouvelles manières d’aborder les relations, l’éducation et la santé.

Daniel J. Siegel est l’auteur de nombreux ouvrages dont Mindsight – The new science of personal transformation ou encore Parenting from the inside out. À ce jour, seul Le cerveau de votre enfant, co-écrit avec Tina Paine-Bryson est disponible en français.

Découvrez le site de Daniel J. Siegel, Inspire to Rewire (en anglais), sur lequel vous aurez, entre autres, accès à de nombreuses vidéos de ses interventions passionnantes.

Pour une enfance heureuse


Le regard du Dr Catherine Gueguen

Catherine Gueguen, pédiatre à l’Institut hospitalier franco-britannique de Levallois-Perret, a publié en 2014 un ouvrage intitulé Pour une enfance heureuse –  Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau et en 2018 un autre ouvrage intitulé Heureux d’apprendre à l’école – Comment les neurosciences affectives et sociales peuvent changer l’éducation

Plus que d’être une mine d’informations scientifiques bouleversant notre compréhension des besoins de l’enfant, ces ouvrages montrent comment une relation empathique et aimante est décisive pour permettre à son cerveau d’évoluer de manière optimale, pour déployer pleinement ses capacités intellectuelles et affective. Catherine Gueguen y présente un regard novateur sur les relations adultes-enfants, dont l’empathie et la reconnaissance sont les mots clés, tant à l’école que dans les familles.

Le nourrisson – un être de relation


Le regard du pédopsychiatre Daniel N. Stern sur les relations entre un nourrisson et ses parents

Daniel N. Stern (1943-2012), pédopsychiatre et professeur américain, a été un des chercheurs les plus reconnus dans le domaine de la psychologie du Self (Soi). Il s’est inspiré des travaux sur l’attachement de John Bowlby et Mary Ainsworth, de ceux de Heinz Kohut (théorie du Self) et des théoriciens britanniques de l’objet transitionnel, tel que Donald W. Winnicott.

Si les enfants doivent se développer, nos théories doivent aussi se développer autour de ce qu’ils vivent et de ce qu’ils sont.

Stern a été très empirique dans son travail et ses théories s’appuient sur des expériences qu’il avait lui-même conçues et réalisées. Les résultats de ses recherches sur les relations mère-nourrisson représentent une base fondamentale soutenant la pensée développée par Jesper Juul dans son livre Regarde… ton enfant est compétent.

Ce qui distingue Stern de ses collègues est qu’il considère que les nourrissons  sont dès la naissance capables de réflexion autonome, ont une libre volonté et participent à des interactions sociales. C’est ce que montre, entre autres, la capacité du nourrisson à diriger son regard, qui lui permet de pouvoir seul entrer en contact avec quelqu’un ou mettre fin à une relation. L’enfant est dès la naissance un être social compétent.

Il s’est aussi intéressé aux phénomènes d’imitation qui apparaissent dès les premiers jours de vie du nourrisson dans les situations de partage d’émotions et de sensations avec ses parents. Daniel N. Stern a nommé accordage affectif ce phénomène d’imitation de l’un par l’autre et qui reflète non pas le comportement de l’autre mais l’état émotionnel intérieur de la personne avec qui il interagit. Jesper Juul en parle dans ses ouvrages en terme de coopération.

Ce phénomène d’accordage affectif est aussi comparé à la notion d’empathie et serait à la base de nos compétences interpersonnelles.

Daniel N. Stern a écrit de nombreux ouvrages disponibles en français : Journal d’un bébé, Le monde interpersonnel du nourrisson, Naissance d’une mère, Les formes de vitalité, Le moment présent en psychologie : un monde dans un grain de sable.

La théorie de l’attachement


Les travaux de John Bowlby et Mary Ainsworth

La théorie de l’attachement a été développée initialement par le psychiatre américain John Bowlby. La psychologue Mary Ainsworth a également largement contribué à son développement.

L’idée centrale de la théorie de l’attachement est que l’enfant a besoin, pour s’épanouir socialement et émotionnellement, d’une relation continue et cohérente avec au moins une personne de son entourage.

C’est particulièrement dans les situations de stress que l’enfant va développer cette relation d’attachement. En effet, insécurisé, il va naturellement rechercher la proximité d’une personne sensible à son vécu, à son ressenti, une personne qui pourra le rassurer. On associe donc la notion de lien d’attachement à celle de base de sécurité à partir de laquelle l’enfant va pouvoir explorer le monde et devenir peu à peu libre et autonome. Les parents sont naturellement les premières figures avec lesquelles les jeunes enfants vont tisser des liens d’attachement. En fonction de la réponse des parents aux besoins de l’enfant, le lien d’attachement sera qualifié de sécure ou insécure.

Découvrez en lien la vidéo d’une conférence de la pédopsychiatre Nicole Guedeney, également auteure de plusieurs ouvrages dont L’attachement : un besoin vital.

Cette théorie est encore mal connue en France. Elle est pourtant aujourd’hui largement reconnue dans le monde entier et a révolutionné les pratiques de la petite enfance comme les politiques de santé, de protection infantile et de soutien à la parentalité dans de nombreux pays.

Les neurones miroirs


Une découverte encore récente mais majeure !

Plus d’information prochainement.

Authenticité et communication


Le regard de l’école Palo Alto sur les processus interpersonnels

Le professeur Paul Watzlawick et ses collègues du Groupe Palo Alto (dont Virginia Satir et John H. Weakland) ont influencé Jesper Juul par leurs travaux pratiques et théoriques sur la communication.

Ils affirment, par exemple, que nos points de vue implicites et non-réfléchis dirigent la manière avec laquelle nous portons attention aux choses dans des situations particulières. En pratique, cela signifie que, dans des situations nouvelles, l’être humain ne verra que ce à quoi il s’attend, ou que ce qui est possible à voir de son point de vue. L’analyse et la résolution de problème, tant dans les relations personnelles que professionnelles, en découleront. Selon les théories de Paul Watzlawick, il nous faut donc nécessairement adopter un autre point de vue pour trouver de nouvelles solutions aux vieux problèmes.

Paul Watzlawick parle aussi de la qualité de nos relations interpersonnelles et il estime que la qualité en soi, l’atmosphère, tant dans notre famille et que dans la relation à nos proches, a une importance supérieure au contenu de ces relations.

Un exemple typique est l’atmosphère qui règne à table : si l’ambiance est mauvaise, ce que les parents essaieront de dire n’aura que peu d’importance, et les enfants (et les adultes) agiront en fonction des « non-dits », de l’atmosphère plutôt que des mots exprimés.

Ces idées soutiennent l’idée d’un changement nécessaire de posture de l’adulte dans la relation à l’enfant et soulignent l’importance de l’authenticité dans la communication entre personnes.

Paul Watzlawick a été une des personnes les plus influentes au sein du Mental Research Institute du Palo Alto. Plusieurs de ses ouvrages sont disponibles en français dont entre autres Changements – paradoxes et psychothérapies et Le langage du changement.

Invitation au dialogue


Le regard du thérapeute Peter Lang sur les relations adultes-enfants

Profondément inspiré par John Bowlby qu’il a eu comme superviseur, Peter Lang, a exercé comme thérapeute systémique et directeur de l’Institut de formation à la pratique systémique KCC foundation à Londres.

Il a contribué, par ses compétences et son expérience pratique de thérapeute auprès d’individus, de familles et de professionnels, à la réflexion sur une parentalité basée sur le dialogue et la reconnaissance. Il met en avant l’idée de considérer la famille comme entité plutôt que de s’intéresser uniquement à l’enfant comme « porteur de symptômes ». Il considère le comportement des enfants comme toujours porteur de sens pour la relation, il en parle comme d’une invitation au dialogue.

Si un enfant est en colère, je prends ça comme une invitation. Une invitation à découvrir ce qu’il veut de moi. La colère est une indication que certains besoins fondamentaux n’ont pas été satisfaits et que l’enfant ne se sent pas vu.

Découvrez en lien un court extrait (en anglais) d’une conversation entre Jesper Juul et Peter Lang, intitulé Invitations and integrity.

Peter Lang a aussi travaillé avec de nombreuses équipes d’enseignants et éducateurs. Dans son travail, il insiste sur l’importance pour les professionnels d’établir et développer avec les élèves des relations empreintes de respect réciproque, de reconnaissance et d’authenticité. Il est co-auteur d’un ouvrage sur le sujet intitulé Appreciative work in schools.

Voir aussi le site de la Peter Lang Foundation.

L’équidignité : clé du progrès social


300 chercheurs publient un manifeste pour le progrès social

En novembre 2018, 300 chercheurs en sciences sociales constituant le Panel international sur le progrès social ont publié dans Le Monde un appel pour le progrès social et décrit dans leur rapport 21 principes et valeurs pour le XXIème siècle. Nous nous réjouissons de lire que l’égale dignité (équidignité) de chaque être humain est l’une des deux valeurs transversales mises en avant.

Extraits :

« L’idée occidentale selon laquelle les institutions de nos sociétés libérales, démocratiques et capitalistes ont atteint leurs formes finales, et représentent le but de toute nation (la “fin de l’histoire”), doit être fermement rejetée. Les acquis sociaux et démocratiques peuvent être balayés en une élection et remplacés par des politiques autoritaires et destructrices sur les plans social et environnemental. L’histoire est toujours en marche, et nous devons repenser nos institutions si nous voulons rendre notre modèle durable. Des idées intéressantes et des innovations venant de chaque continent peuvent mener à de nouvelles formes de participation populaire, une plus grande harmonie avec la nature ou une meilleure manière de gérer les conflits. Partout dans le monde, une grande diversité d’avancées économiques, politiques ou sociales montre le pouvoir de l’imagination et le nombre impressionnant d’idées promettant de mener vers une société meilleure.

Le défi de notre époque est de trouver une ou plusieurs formules respectant à la fois l’équité (que personne, à l’échelle nationale comme internationale, ne soit laissé pour compte et que soit réalisée une société inclusive), la liberté (économique et politique, ce qui implique le respect de l’Etat de droit, des droits de l’homme et des droits démocratiques au sens large) et la durabilité environnementale (préserver les écosystèmes non seulement pour les générations à venir, mais aussi pour eux-mêmes, pour respecter toutes les formes de vie). »

« Nous serions guidés par un engagement fondamental en faveur de l’égale dignité de chaque être humain et du respect du pluralisme profond, dans le monde entier, des points de vue sur les valeurs, la moralité et la religion. Nous nous sommes mis d’accord pour abjurer toute trace de la foi des Lumières selon laquelle la société humaine est destinée à progresser inexorablement. Nous avons également rejeté l’idée selon laquelle il existe une voie unique et privilégiée vers le progrès social. Au lieu de cela, nous avons voulu que notre catalogue de dimensions du progrès social puisse servir à tout type d’évaluation rétrospective et aux choix politiques futurs.

Au final, nous proposons vingt et un principes et valeurs pour définir le progrès social au XXIe siècle.

Deux principes transversaux d’orientation : égale dignité, respect du pluralisme.

Neuf valeurs : bien-être, liberté, non-aliénation, solidarité, relations sociales, estime et reconnaissance, biens culturels, valeurs environnementales, sécurité. »

Les extraits du Manifeste pour le progrès social publiés dans ces articles soulignent combien la transformation de nos sociétés nécessite de revisiter en profondeur nos manières de penser les organisations, à commencer par la famille puisqu’elle est, pour l’enfant, à la fois un terrain d’apprentissage du respect de toutes les formes de vie et aussi le premier lieu d’expériences des inégalités et des jeux de pouvoir.

Les principes et valeurs présentés ici pour le XXI e siècle résonnent fortement avec celles que nous mettons en avant dans notre travail d’accompagnement des familles. Plus que justes et pertinentes, elles nous semblent évidemment à mettre urgemment en pratique. Les auteurs soulignent aussi, qu’au-delà des mots et des réformes politiques, c’est bien d’initiatives venant de la base que le changement se fera. Continuons donc à oeuvrer ensemble sur ce chemin !

Cheminer vers l’équidignité reste un choix difficile à faire car il invite à une remise en question profonde, personnelle et professionnelle, qui implique souvent de revisiter son enfance, ses joies comme ses peines. C’est aussi un chemin vers la responsabilité personnelle et une authentique responsabilité sociale. Reconnaissance, dialogue, estime de soi, joie, empathie, liberté intérieure, altruisme sont d’autres valeurs que nous associons à ce riche chemin vers soi-même et vers les autres.

Découvrir ce manifeste pour le progrès social montre combien notre travail au Familylab est une contribution précieuse au développement des compétences et de la santé mentale des individus. Mieux encore, cette écologie des relations qui est pour nous une invitation à devenir pleinement acteur de nos vies, s’inscrit aussi parfaitement dans les mécanismes de « prédistribution » suggéré par le collectif de chercheurs pour réduire les inégalités sociales. L’équidignité comme clé du progrès social : voilà de quoi donner du baume au coeur pour poursuivre notre travail !

« Les valeurs et le (l’absence de) regard portés sur l’humanité par l’économie de marché sont complètement inadéquats comme fondements pour la vie familiale. »

Jesper Juul