Cet article invite à se questionner sur :
- sa manière de communiquer avec les enfants et la nécessité de développer un langage personnel ;
- la différence entre estime de soi et confiance en soi ;
- le « bon vieux temps » et ce qu’apportent et demandent les générations de jeunes aujourd’hui.
Le langage personnel
La manière la plus directe et authentique de se raconter aux autres, de communiquer ses propres limites, sentiments et émotions, est ce que vous appelez « langage personnel ». Pourriez-vous décrire ce qui est de l’ordre du langage personnel et ce qui ne l’est pas ?
Hier, mon petit-fils (17 mois) a pris quelque chose à manger de son assiette, l’a porté à sa bouche pour en croquer un bout et, après avoir échoué, l’a placé sur la table à côté de son assiette. Si vous n’aimez pas cela (ce qui est mon cas) c’est facile de lui apprendre en suivant quelques règles simples :
Créez un contact, c’est-à-dire, attirez son attention et établissez un contact visuel. Dîtes-lui ensuite d’une voix amicale (comme vous le diriez à un bon ami adulte) : « Je n’aime pas que tu mettes la nourriture sur la table. Je veux que tu la reposes sur ton assiette ». Ça, c’est une forme de langage personnel qui lui raconte quelque chose sur son grand-père. Il n’est ni critiqué, ni accusé ni soumis à un ordre. Je lui dis qui je suis et ce que je veux qu’il fasse, et dans la plupart des cas il le fera – volontiers et avec plaisir. Et « dans la plupart des cas » est tout ce que vous pouvez espérer – de la part de n’importe quel autre être humain.
Nourrir l’estime de soi
Vous faites une distinction importante entre estime de soi et confiance en soi. Ces termes sont souvent confondus ou utilisés l’un pour l’autre, bien qu’ils aient des significations assez différentes. Résultat, on se fixe souvent pour objectif de renforcer l’estime de soi d’un enfant mais on se retrouve, au mieux, à renforcer la confiance en soi. En quoi est-ce un problème et que gagne-t-on à être conscient de cette distinction ?
Avoir une faible estime de soi est probablement le facteur le plus destructeur pour les gens et leurs relations aux autres. C’est ce qui les conduit souvent à devenir victimes ou à se faire harcelés. Cela les amène à abuser de substances addictives, à développer beaucoup de culpabilité et à avoir une mauvaise conscience. Dans les relations entre parents et enfants, cela entraine beaucoup de violence qui, à son tour, empêchera l’enfant de développer une bonne estime de soi. Avoir une estime de soi saine est une qualité existentielle profonde qui enrichit la vie des gens et les rend capables d’enrichir celles des autres.
La confiance en soi est une très bonne chose en ce qui concerne le développement de nos capacités – pratiques, personnelles, académiques, sportives, etc. Mais le fait d’avoir une grande confiance en soi ne permet pas d’acquérir une plus grande estime de soi. La tendance actuelle pour beaucoup de parents européens est de porter aux nues leur enfant, quoi qu’il fasse. Ça ne renforce pas l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes mais simplement leur égo. Un retour d’information personnelle est beaucoup mieux – pour les parents comme pour les enfants – et permet d’accroitre l’estime de soi des uns comme des autres.
C’était mieux avant ?
Quelque soit l’époque et la société dans laquelle on vit, il semble que nous soyons toujours d’accord pour dire que la génération actuelle des enfants et des jeunes en particulier est terrible et bien pire que la nôtre. Comment se fait-il ? Est-ce qu’on ne progresse pas ni socialement ni psychologiquement ? Que pensez-vous des enfants d’aujourd’hui ?
La réponse la plus simple est la suivante : nous coopérions avec nos propres parents et nous avons appris comment être important à leurs yeux. Nous nous sommes convaincu que « notre manière » était la bonne – quel qu’en fut le prix. Quand une nouvelle génération se comporte différemment, cela nous amène à questionner notre propre attitude, mais au lieu de réfléchir sur notre propre manière de faire, on a tendance à condamne la leur. Ce n’est pas très intelligent mais c’est très courant comme vous le dîtes.
Quand je porte mon regard sur les enfants européens d’aujourd’hui, j’ai quelques inquiétudes, mais je me réjouis, principalement, du fait qu’ils sont de plus en plus nombreux à grandir sans avoir à craindre les adultes tout en ayant plus de liberté pour s’épanouir et devenir qui ils sont.
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© Jesper Juul, Familylab International
Entretien élaboré et réalisé par Ivana Gradisnik et Anja Cotic Svetina (familylab Slovénie)
Traduction et adaptation française : David Dutarte