Cet article invite à se questionner sur :
- la qualité des relations entre adultes ;
- les inévitables conflits et la place qui leur est donné au sein de la famille ;
- la manière dont nous, adultes, gérons individuellement les conflits ;
- l’amour et la volonté de vivre ensemble comme éléments de réussite.
!Qualité de l’interaction
Il existe d’innombrables façons de vivre ensemble en tant qu’homme et femme, et en tant que parents, mais aucun expert ne peut vous indiquer le « vrai » chemin à suivre ou vous dire comment réussir en tant que couple. La raison en est simple : c’est qu’il y a énormément de facteurs qui entrent en jeu. Il y va de la vie de couple comme de la vie – elle ne peut pas être prédite, seulement vécue.
Il n’y a de fait pas de recette pour le bonheur, mais nous en savons suffisamment pour dire qu’il y a certaines choses dont il vaut mieux être conscient et pour lesquelles il vaut la peine d’être attentif.
C’est la qualité de l’interaction entre adultes qui donne le ton et détermine l’atmosphère qui règne dans la famille.
A première vue, cela peut paraître un peu étrange. Nous savons combien le fait qu’un enfant tombe malade peut influer sur l’ambiance, et combien un enfant qui se réveille la nuit peut affecter l’humeur des adultes, ou comment l’inquiétude peut prendre le dessus lorsque l’adolescent de treize ans n’est pas rentré à temps. Mais ce ne sont que des sentiments qui sont éveillés en nous par des événements divers, et c’est tout à fait approprié. Il doit y avoir de la place pour ce genre de sentiments.
L’ambiance générale qui règne dans la famille est davantage déterminée par la façon dont les adultes – ensemble – font face à tous ces sentiments passagers. Si je suis complètement submergé(e) par l’anxiété ou l’inquiétude, puis-je en parler à mon partenaire sans être rejeté(e), ignoré(e) ou ridiculisé(e), et sans pour autant qu’il ou elle devienne complètement dingue ? Est-ce que mes sentiments et mes réactions sont accueillis avec respect dans ma famille ? C’est de cela dont il s’agit.
Comment peut-on gérer les conflits ?
Il y a dans toutes les familles, et de façon permanente, des conflits, et il n’est pas possible de les résoudre tous, dans l’instant. Cela, quelle que soit notre capacité à en parler. Peu importe non plus combien nous nous aimons les uns les autres. Certains conflits sont en effet si profondément ancrés dans notre propre manière d’être qu’ils ressurgissent périodiquement, et que nous trouvons une manière d’y faire face seulement dix ou vingt ans plus tard. L’atmosphère au sein d’une famille dépend ainsi fortement de la façon dont nous gérons les conflits.
Certains d’entre nous s’inquiètent tellement de perdre leur partenaire qu’ils sont pris de panique. Certaines personnes ont besoin de beaucoup de temps pour réfléchir avant d’être prêtes à discuter du conflit, tandis que le partenaire peut être une personne pour qui tout doit avoir été analysé et résolu avant que la journée soit finie. D’autres voient dans les conflits une lutte de pouvoir et ont à chaque fois besoin d’avoir raison, tandis que d’autres encore sont plus enclins à faire des compromis et faire preuve de souplesse dès le départ.
Que les adultes reconnaissent que les conflits sont nécessaires et qu’ils soient prêts à apprendre comment les gérer ensemble, d’une façon qui convienne à l’un comme à l’autre, est quelque chose d’essentiel pour le bien-être de la famille. C’est assurément la « bonne manière » de gérer les conflits au sein d’une famille, et cela sécurise l’environnement familial pour le plein épanouissement des enfants.
De l’amour et de la volonté
Pour créer une bonne atmosphère au sein d’une famille, il faut deux choses : de l’amour et de la volonté. Il ne suffit pas que les adultes s’aiment ; ils doivent aussi vouloir vivre ensemble. Nous vivons tous des moments, des heures ou des jours où nous souhaiterions plutôt ne pas vivre ensemble. Ça fait trop mal, nous sommes trop seuls, il y a trop de disputes, la vie est trop compliquée. Ceci est tout à fait normal et en rien quelque chose qui blesse les enfants – mais encore une fois : tout dépend de la façon dont nous considérons cela. Le mieux qu’on puisse faire, c’est d’être aussi ouverts et honnêtes que possible – et cela suffit amplement !
Les enfants, ô combien compréhensifs puissent-ils être, sont de petites créatures sensibles. Ils détestent quand papa et maman se disputent, mais ils font très bien avec s’ils sentent que les adultes se désirent mutuellement. Il n’y a aucune raison pour que les adultes gardent leurs conflits secrets pour les enfants. C’est d’ailleurs tout à fait impossible ! Les enfants perçoivent très souvent les conflits avant même que les adultes eux-mêmes en soient conscients. Mais c’est important que nous les gérions aussi décemment que possible. Cela signifie avant tout que nous ne pouvons pas nous accuser l’un l’autre sans avoir pris notre propre responsabilité. Il faut être deux pour qu’un conflit ou une lutte de pouvoir s’instaure.
Nous sommes souvent issus de familles qui sont complètement différentes et avons dans nos bagages des expériences et des rêves très différents. Aucun d’entre nous n’a, au départ, la maîtrise de l’art de vivre ensemble avec la personne avec laquelle nous avons justement décidé de fonder une famille. J’en parle comme d’un art, car cela nécessite à peu près la même chose : de l’intuition, de l’honnêteté, du dévouement, du désir, de l’autocritique, de la pratique, de la pratique et de la pratique. Sans oublier des moments où le sentiment de réussite vous emplit corps et âme !
Vous avez bien sûr le droit de penser que vivre ensemble serait plus facile si votre partenaire vous était plus semblable. Vous pouvez aussi rêver bien sûr que l’autre puisse être laissé « à réparer » et revienne en famille pas compliqué et facile à gérer. Mais il est aussi très important de savoir que ces deux choses sont, l’une comme l’autre, tout à fait impossibles. C’est également valable pour les enfants, et bien qu’ils aient eux aussi leur propre tempérament individuel, leur comportement est très fortement déterminé par la façon dont les adultes entretiennent leur relation.
La vie de famille n’a rien à voir avec ce que nous appelons, au quotidien, éducation des enfants, mais, plutôt et avant tout, avec la qualité de vie personnelle et commune des adultes. C’est en fin de compte ce qui détermine la qualité de vie des enfants, beaucoup plus que ce que nous faisons consciemment pour les éduquer. Ce qu’on appelle éducation des enfants n’est pas ce qui donne sens à leur vie, l’aspect éducatif le plus important découle en effet simplement de la manière qu’ont les parents de vivre ensemble.
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© Jesper Juul, Familylab International
Titre original danois : Familiens samspil
Traduction : David Dutarte